Imane Khelif, cible d’un acharnement : quand la boxe devient le ring de l’intolérance

Par Yassine Bouali

Elle a conquis l’or olympique dans les -66 kg avec fierté, puissance et élégance. Et pourtant, au lieu d’être célébrée comme l’icône qu’elle est, Imane Khelif se retrouve une fois de plus au cœur d’une tempête médiatique, victime d’une suspicion permanente sur son genre. Une campagne toxique, à peine voilée, portée par les milieux conservateurs et amplifiée par certains influenceurs mondiaux, remet en cause sa légitimité sur le ring. Une campagne qui ne dit pas son nom : celle de la stigmatisation et du deux poids, deux mesures.

Une athlète sans faille, ciblée sans preuve

Imane Khelif n’a jamais manqué à aucune règle. Elle a toujours combattu dans les catégories féminines, été contrôlée et validée par les instances compétentes, et démontré son talent à chaque combat. Sa victoire éclatante aux Jeux de Paris 2024 aurait dû la hisser au panthéon du sport algérien et mondial. À la place, elle a été la cible d’une croisade numérique, la présentant, sans fondement, comme un « homme déguisé en femme » ou une athlète « dopée par sa biologie ».

En toile de fond, c’est une haine du corps féminin hors norme, une peur irrationnelle de la puissance féminine, qui s’exprime. Car le tort d’Imane Khelif, c’est d’être forte. Trop forte, pour certains. Trop différente, pour d’autres.

Lin Yu-Ting, oubliée des polémiques : deux poids, deux mesures

Le plus frappant dans cette affaire, c’est le traitement comparatif réservé à Lin Yu-Ting, la boxeuse taïwanaise championne olympique chez les -57 kg, elle aussi accusée — sans la moindre preuve — d’être une athlète transgenre. Mais elle, étonnamment, ne fait pas la une. Pas de chaînes d’info en boucle, pas d’indignation sur les plateaux télé. Pas de tweets de Donald Trump ou de Elon Musk à son sujet, alors que ces figures ont désigné Khelif comme symbole d’un supposé « déclin de la compétition féminine ». Pourquoi cette différence de traitement ?

La réponse dérange. Khelif est femme, arabe, musulmane, algérienne, née dans une région populaire. Elle coche toutes les cases de celles qu’on veut faire taire, marginaliser, rabaisser. Ce qu’elle incarne dérange plus que ce qu’elle est. On ne pardonne pas à une boxeuse du Sud de s’imposer dans une discipline longtemps réservée à d’autres.

Une politique sous couvert de science

Le dernier épisode en date vient de World Boxing, la jeune fédération reconnue provisoirement par le CIO. Dans un courrier adressé à la Fédération algérienne, l’instance demande désormais que toute athlète soit soumise à un test de genre PCR, censé détecter le chromosome Y. Cette exigence, en l’état, flirte dangereusement avec la médicalisation abusive du corps féminin et rappelle les heures sombres du sport, quand des femmes comme Caster Semenya ou Dutee Chand étaient humiliées au nom d’une « équité » biaisée.

La science n’est pas un outil neutre lorsqu’elle est utilisée pour exclure. L’équité ne peut pas se faire au prix de la dignité. Exiger une analyse génétique pour participer à une compétition, sans fondement concret, c’est valider la suspicion comme principe. Et c’est institutionnaliser le doute comme norme pour les femmes qui ne rentrent pas dans un moule physique.

Une réponse politique et morale est attendue

Face à ces dérives, le silence des instances est assourdissant. Où sont les voix qui, hier encore, proclamaient leur attachement à la diversité et à l’inclusion ? Où est la solidarité entre sportives ? Où sont les médias, si prompts à s’indigner pour certains cas, mais si discrets quand il s’agit d’une Algérienne ?

Imane Khelif n’a rien à prouver. Elle est championne. Elle est femme. Elle est légitime. Ce qui doit être remis en question, ce ne sont pas ses chromosomes, mais bien les mécanismes de soupçon systémique qui pèsent sur certaines athlètes, selon leur origine, leur apparence, leur genre ou leur religion.

Le sport ne doit pas devenir l’arène de nos préjugés. Il doit rester ce qu’il a toujours promis d’être : un espace d’effort, de mérite et de respect. Et tant qu’Imane Khelif devra prouver ce que d’autres n’ont jamais à justifier, nous serons là pour le rappeler.

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