Algérie : Charaf-Eddine Amara, Une erreur de casting

Par Mohamed Benhamla

À l’heure actuelle, on a l’impression d’avoir affaire à une Équipe nationale qui dépend d’une autre Fédération, et d’une Fédération qui gère une autre Équipe nationale…

Les Algériens digèrent toujours mal la sortie prématurée de leur Équipe nationale de football de la CAN-2021, qui se déroule encore au Cameroun. La pilule n’est pas avalée parce que l’on estime que les Verts, drivés jusque-là d’une main de maître par Djamel Belmadi, avaient toutes les qualités requises pour confirmer leur leadership continental. Au finish, trois grosses déceptions en autant de rencontres, face à La Sierra Leone (0-0), la Guinée équatoriale (défaite 0-1) et la Côte d’Ivoire (défaite 1-3). Éjectés par la petite porte, Mahrez et consorts se projettent sur les barrages du Mondial-2022, et la double confrontation au mois de mars face au Cameroun. D’ici là, plusieurs choses doivent être revues par Belmadi pour que son team retrouve sa verve. Mais ce n’est pas tout. Au niveau de la Fédération algérienne de football (FAF), rien ne tourne rond depuis l’élection de Charaf- Eddine Amara, en lieu et place de Kheïredine Zetchi, le 15 avril 2021.
Coupure avec Belmadi
Entre Amara et le coach national, le courant ne passait pas (ou plus) depuis la première rencontre entre eux à Doha, au Qatar, surtout lorsque Amara a commencé à tirer à boulets rouges sur les autres membres de son Bureau fédéral, fraîchement élus. «Je ne le sens pas. Il ne dégage pas quelque chose de rassurant. J’espère me tromper», aurait indiqué Belmadi à ses proches, tout juste après cette rencontre. Et au fil des jours, ce dernier voit ses craintes se confirmer. À chaque sortie des Verts, à domicile ou à l’étranger, il se mettait à l’évidence que Amara tournait en rond. Il ne savait plus sur quel pied danser et n’accomplissait nullement ses missions vis-à-vis de l’EN. C’est d’ailleurs cela qui avait contraint le coach à pousser moult fois des coups de gueule, à cause de l’état de la pelouse du stade Mustapha-Tchaker de Blida, et au ministre de la Jeunesse et des Sports, Abderrezak Sebgag de lui répondre. Or, c’est le patron de la FAF qui devait être l’intermédiaire entre les deux parties, comme mentionné dans l’article 39 des statuts de la FAF, fixant les missions du président.
Une fausse image à promouvoir
Pis encore, Sebgag, voyant que Amara rame dans le mauvais sens, prend lui-même la parole pour faire des annonces concernant des informations ayant trait à l’actualité de l’EN. Le MJS a lui-même annoncé, entre autres, les dates de certaines rencontres des Verts, au moment où la cellule de communication de la FAF observait un silence radio. Et à propos de cette cellule, justement, tout allait bien à son niveau lorsqu’elle était gérée par une seule personne, qui chapeautait tout le travail. À l’arrivée de Amara, celui-ci a créé 2 nouveaux postes, avec 2 gros salaires (augmentés par la suite), faisant que la communication est devenue la risée des réseaux sociaux. Les deux nouvelles têtes dans ladite cellule n’ont qu’une seule mission, a priori, celle de promouvoir l’image de leur président, en mettant, en boucle, des photos de lui aux côtés de certains responsables de la balle ronde internationale et créer, surtout ainsi, des scénarios. L’exemple le plus frappant est celui de «l’élection» de Amara en tant que vice-président de l’Union nord-africaine de football (UNAF) alors que ce poste est attribué à tour de rôle aux membres (lire l’article de L’Expression du 24-10-2021). L’on a même posté une photo du président aux côtés de Belmadi à Niamey (Niger) pour montrer que tout va bien entre les deux hommes, alors que la réalité est tout autre.
Qui dépend de qui?
En marge de la Coupe arabe des nations FIFA-2021, jouée au Qatar et remportée par l’Équipe nationale A’, Amara avait déclaré: «Belmadi compte bien utiliser certains joueurs locaux qu’il suit durant cette Coupe arabe. Il faut superviser parfaitement l’équipe réserve par son premier assistant. Par conséquent, il communique constamment avec nous et suit régulièrement l’équipe et les joueurs.» Or, aucun contact n’a eu lieu entre eux, et pis encore, c’est que Belmadi était hors de lui en constatant qu’aucune régie financière n’a été mise en place pour l’EN durant ce séjour. Amara a jugé que cela était inutile, du moment que la FIFA et le Qatar ont pris en charge les équipes participantes. Vint ensuite, le stage de l’Équipe nationale A, au Qatar, pour préparer la coupe d’Afrique du Cameroun. Amara a raté les premiers jours, après avoir été testé positif au Covid-19, et une fois sur place, il trouve Belmadi dans tous ses états, encore une fois. Le match face à la Gambie est annulé et aucune autre alternative n’est présente, ou encore un plan B. La FAF utilise sa cellule de communication pour pondre un communiqué populiste, menaçant la Fédération gambienne de poursuite devant la FIFA. Depuis, rien n’est fait, et ne pourrait être fait, puisque la convention signée entre les deux Fédérations préservait les Gambiens. Après le match face au Ghana, remportée (3-0), la délégation conduite par Amara se déplace à Douala. Sur place, une vidéo a fait le tour de la Toile et le buzz, lorsque Belmadi a refusé de serrer la main au premier responsable de la FAF, debout aux côtés des responsables locaux venus accueillir la délégation. C’est parce que Belmadi était outré par le comportement de Amara, qui devait être aux côtés de la délégation pour être accueilli lui-même. Belmadi aurait indiqué, par la suite à ses collaborateurs, qu’il ne pouvait tolérer les comportements d’un président «qui ne cherche que le prestige». Cet incident passé, place aux rencontres. Après la première sortie face à la Sierra Leone, Belmadi et ses adjoints sont allés superviser le match Côte d’Ivoire – Guinée équatoriale. Là encore, le coach s’est montré surpris de voir Amara monter dans le même bus. «Ce n’est pas dans ce match que nous avons besoin de ses services», aurait-il lâché. Et à Amara, ensuite, de quitter le bus et rentrer à l’hôtel. Un hôtel, faut-il le dire, loin de celui où se trouvaient les représentants et responsables de la CAF. Là où toutes les décisions sont prises. Amara est resté livré à lui-même, loin du centre de décision. L’on est unanime à dire que s’il était entouré par des membres compétents de son bureau fédéral, comme l’avait fait son prédécesseur au Caire, le scénario aurait pu être tout autre. S’il avait pris la peine de consulter ses prédécesseurs pour être recadré et mis sur les rails, on n’en serait pas arrivé jusque-là. Or, lors de sa «campagne électorale» il arguait que les portes sont ouvertes à toutes les personnes qui peuvent apporter un plus pour le développement du football national. Lui (Amara), il a préféré écouter des «forces occultes» et des «alliés médiatiques» qui l’ont mené droit dans le mur. Il a aussi préféré prendre avec lui des personnes qui ne figurent pas dans l’organigramme de la FAF, avec une prise en charge totale aux frais de cette dernière. S’agit-il, là, d’une usurpation d’identité? Durant les deux séjours au Qatar et celui au Cameroun, le premier responsable du football national n’a organisé aucune rencontre avec les cadres administratifs ayant accompagné la délégation, pour voir de près ce qui marchait et ce qui ne marchait pas. L’on avait, donc, l’impression d’avoir affaire à une EN qui dépend d’une autre Fédération et d’une Fédération qui gère une autre EN.
Des horizons obscurs
Est-ce le début de la fin pour Amara? Tous les indices l’indiquent puisque ça s’agite en coulisses à Dély Brahim. Au siège de l’instance fédérale, l’on ne parle que de l’avenir du président, surtout qu’il a fait le grand vide autour de lui avec les membres de son bureau et les autres employés. D’ailleurs, l’on commence même à évoquer avec insistance un éventuel retrait de confiance au président, qui s’était débarrassé de son secrétaire général, Mohamed Saâd, et remplacé Ammar Bahloul par Mohamed Maouche au poste de vice-président. C’est parce que le premier n’a pas voulu entériner des décisions anti-statutaires, alors que le second a mené, selon Amara, un mouvement de rébellion contre lui (lire l’article de L’Expression du 17-11-2021). En parlant, justement, des statuts de la FAF, dont la mise en conformité avec ceux de la FIFA était considérée comme «la priorité des priorités», ils ont été bafoués dès l’Assemblée générale élective du 15 avril dernier. Alors que Amara était déjà inéligible, il a vu, par la suite, ceux qui lui ont tâté le terrain pour succéder à Zetchi, procéder par des mesures anti-statutaires pour organiser l’AGE (lire l’article de L’Expression du 17-04-2021). Une fois en poste, il s’est attaqué aux membres du BF, avant de tenter d’arranger les choses, autour d’un dîner. Cela ne s’est calmé que l’espace de quelques jours, avant que tout ne revienne à la case départ, à cause d’une mésentente sur la liste de deux personnes qui devaient… voyager avec les Équipes nationales. Les horizons s’annoncent obscurs. 

Mohamed BENHAMLA

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