Publié le 18/11/2024
NBA – Shooteur incroyable des Kings au début des années 2000, trois fois All-Star, champion NBA et champion d’Europe et du Monde, Peja Stojakovic a un palmarès qui laisse rêveur.
Retraité des parquets depuis 2011, après avoir remporté une bague de passage chez les Mavs pour ce qui s’est avéré être sa tournée d’adieux, Peja Stojakovic est désormais un papa de prospect NBA à temps plein, alors que son garçon Andrej se prépare à son tour à lancer sa carrière pro, lui qui évolue actuellement à la fac de California.
Petit prodige de la balle orange à l’époque où la Yougoslavie était encore un pays uni, Peja Stojakovic a vraiment démarré sa carrière à 14 ans. Après un premier déménagement – forcé – de Croatie à Belgrade.
Au PAOK Salonique à 16 ans !
Deux ans plus tard, rebelote ! Mais cette fois, le jeune shooteur fait son baluchon pour la Grèce. Direction le PAOK Salonique. À 16 ans seulement, Peja Stojakovic va non seulement découvrir un autre pays… mais aussi la pression de jouer avec le statut d’étranger dans une culture basket sous haute tension !
« Les clubs grecs se portaient bien à l’époque. Il y avait des gros joueurs. J’ai joué contre Dominique Wilkins [qui évoluait au Pana] à 17 ans. Il a ramené le premier titre au Pana, qui en a gagné d’autres depuis. Il a changé la donne en Grèce. J’ai joué avec Xavier McDaniel, mais aussi Anthony Bonner qui avait joué aux Knicks. Ça m’a aidé à comprendre un peu ce qui m’attendait. C’était difficile de tenir la pression parfois, quand le propriétaire venait te dire que si tu ne gagnais pas, tu n’étais pas payé ! C’était comme ça à l’époque. J’ai joué dans des stades où on pouvait fumer. Les entraîneurs fumaient ! »
Scouté par la NBA à la fois pour son profil atypique de shooteur de grande taille et pour sa précocité au plus haut niveau, Peja Stojakovic explique cependant qu’à l’époque, les espions de la Grande Ligue ne s’aventuraient finalement que très peu sur le Vieux Continent. Résultat : il fallait se montrer chez eux et donc traverser l’Atlantique !
« J’avais déjà fait trois saisons en Grèce, où je suis arrivé en 1993. À mes 19 ans, je suis parti me montrer aux Etats-Unis. Mon agent a organisé des workouts avec certaines équipes. Car peu de scouts faisaient le déplacement en Europe à l’époque. J’ai fait un workout avec « Big Z » (Zydrunas Ilgauskas) à Chicago en 1996. Tout le monde venait le voir mais je me suis fait remarquer. Et deux semaines après, j’ai eu des invitations avec les Kings, les Bulls et les Pacers. J’ai fait des workouts que je n’oublierai jamais, devant Jerry Krause notamment. »
La révolution des Kings
De passage pour ses workouts, Peja Stojakovic et son agent vont également vivre la soirée de la Draft à la Continental Airlines Arena d’East Rutheford, dans le New Jersey. Une soirée forcément inoubliable alors que les Européens se comptaient alors sur les doigts de deux mains en NBA.
« La soirée de la Draft a été difficile. J’étais seul avec mon agent. Ma première fois aux Etats-Unis. J’étais surtout stressé parce que je me disais que si j’étais drafté, il faudrait que j’aille là-haut et que je parle à tous les médias. Mon anglais à l’époque était affreux ! »
Drafté en 1996, en 14e position par les Kings, Peja Stojakovic n’arrivera finalement en NBA que deux ans plus tard, en 1998. Lui-même reconnaît aisément qu’il avait besoin de se renforcer, physiquement et mentalement.
« J’avais besoin de ces deux ans pour prendre de l’expérience et de l’épaisseur. Quand je suis arrivé à 21 ans, j’étais prêt. Il y avait encore Mitch Richmond à Sacramento. Mais on me disait que j’allais jouer. Puis le lockout est arrivé et on a été bloqué pendant six mois. Et tout à coup, ils ont échangé Richmond contre Webber. Et pendant ce temps, ils avaient signé Vlade. Plus la Draft de Jason Williams. Il y a eu des attentes tout de suite avec les Kings. Vlade a été un super mentor pour moi. Mais on a rapidement su que l’équipe avait un gros potentiel. On a fait les playoffs, on a joué Utah jusqu’au Game 5 durant cette saison écourtée. »
Sacramento, le point de chute idéal
Scoreur féroce en Grèce et même en Euroleague, avec 24 et 21 points de moyenne respectivement dans sa dernière saison avant de décoller pour la NBA (en 1997-98 donc), Peja Stojakovic a par contre eu besoin d’un temps d’adaptation certain avant de pouvoir performer sur les parquets américains.
À vrai dire, ce n’est que dans sa troisième saison qu’il a commencé à faire des cartons dans la Grande Ligue…
« Les quinze premiers matchs de ma carrière ont été très compliqués pour moi. Je me souviens, mon premier match à San Antonio, mon premier tir a fait airball ! J’étais super stressé. C’était contre Portland, coaché par Mike Dunleavy, avec Rasheed Wallace qui jouait en poste 3. Je devais défendre sur lui. Et eux, évidemment, dès qu’ils m’ont vu, ils ont annulé tous leurs systèmes pour jouer le duel contre moi. Au poste bas, je me suis retrouvé sur le banc rapidement [rires] ! Je devais m’habituer à la taille, à la puissance du jeu NBA. »
Passé titulaire en l’an 2000, après deux saisons en sortie de banc, Peja Stojakovic va prendre une autre dimension en réalisant la première de cinq saisons consécutives aux alentours des 20 points par match, dont sa campagne 2003/04 à 24 points et 6 rebonds de moyenne, récompensé de sa troisième (et dernière) cape All-Star.
« J’ai eu beaucoup de chance à Sacramento car je suis tombé avec Jason [Williams], un meneur incroyable qui ne voulait pas tirer et qui préférait cent fois faire la passe. Chris Webber qui était aussi un joueur altruiste, un des meilleurs intérieurs passeurs. Et puis Vlade qui veut aussi faire des passes décisives, c’était incroyable pour moi ! Mais, après on avait Coach [Pete] Carril (assistant de Rick Adelman), qui a inséré des actions de la Princeton Offense dans notre jeu. On a eu Bibby, Christie, Turk, Pollard, Bobby Jackson… On s’en foutait de qui marquait les paniers. On a appris qu’une bonne coupe, un bon écran n’allait peut-être pas te libérer toi, mais un coéquipier en bout de chaîne. C’est la mentalité qu’on a adoptée, de jouer pour les autres et ça a cliqué ! Ce furent clairement mes meilleures années en NBA à Sacramento. »
L’insurmontable embûche des Lakers
Dans cette équipe des Kings du début des années 2000, qui incarne cette internationalisation de la NBA, avec un jeu collectif qui s’inspire des tendances européennes, on retrouvait notamment un certain Hedo Turkoglu. Le rookie turc qui a bien fait marrer ses coéquipiers à son arrivée.
« Hedo est arrivé en NBA, mais il a dû racheter son buyout avec son club [turc]. Du coup, il devait lui rester quelque chose comme 100 000 dollars pour vivre. On s’en est occupé avec Vlade. Ils trainaient toujours avec nous en déplacement et il mangeait à la maison quand on jouait à domicile. Mais Hedo, c’est un numéro ! Il est devenu américain direct. Il a commencé à se saper, à mettre des baggy, à écouter du hip hop ! Il est devenu la coqueluche du vestiaire, tout le monde l’adorait ! Un match contre Phoenix et Clifford Robinson, alors un vétéran, Hedo n’arrêtait pas de dire du banc de le laisser shooter. Cliff est venu nous voir : mais c’est qui ce gars-là ? Après le match, Cliff discutait avec C-Webb et il a fait venir Hedo : ‘Rook, je sais qu’on peut parler et chambrer sur un terrain. Mais il faut jouer pour le faire ! Tu ne peux pas faire ça du banc !’ »
Sortis des playoffs en 2000, 2001 et 2002 par les Lakers de Shaquille O’Neal et Kobe Bryant, les Kings de Stojakovic, Webber, Divac et compagnie n’iront malheureusement jamais jusqu’au titre, laissant probablement passer leur meilleure chance en 2002, avec le Game 7 à domicile…
« On a joué les Lakers en 2001 et 2002. Jouer contre Shaq et Kobe, c’était quelque chose. Car l’un comme l’autre demandaient qu’on fasse prise à deux. On était presque tout le temps sur le qui-vive en défense. En 2002, on a eu notre chance, c’était notre opportunité. On a eu le Game 7 à domicile. On peut en dire ce qu’on veut mais moi je regarde surtout ce qu’on aurait pu faire mieux, ce que j’aurais pu faire mieux. J’ai raté des tirs, on a raté une tonne d’écrans retards, on a raté des actions. Ce qui est dommage aussi sur cette équipe, c’est qu’on n’ait jamais été à nos primes respectifs en même temps. Vlade était déjà à 36 ans quand j’ai commencé le mien. C-Webb revenait de blessure. On n’a jamais eu cette opportunité malheureusement. »
Un shooteur trois étoiles !
All Star de 2002 à 2004, Peja Stojakovic a également connu le succès sur la scène internationale à ce moment-là, avec un titre de champion d’Europe en 2001 (plus le titre de MVP du tournoi). Et mieux encore, le titre de champion du monde acquis en terres américaines, à Indianapolis en 2002 !
« C’était évidemment incroyable d’obtenir la reconnaissance du grand public mais j’ai toujours pensé que j’ai été All-Star parce que je représentais notre équipe qui était vraiment une équipe fantastique. Ça n’aurait pas pu marcher autrement pour moi car le style de jeu collait, la cohésion d’équipe, le partage. On était All-Star pour récompenser les résultats de son équipe. »
Shooteur devant l’éternel, à tel point qu’il a réussi l’exploit rarissime de scorer les 20 premiers points de son équipe consécutivement avec les Hornets le 14 novembre 2006, et vainqueur du concours de tir à 3-points en « back to back » en 2002 et 2003, Peja Stojakovic n’en menait pourtant pas large lors de ses participations au concours de tirs longue distance, un exercice vraiment à part !
« Je ne vais pas mentir, j’étais nerveux. C’est un exercice pas évident. C’est autre chose que d’être dans ta salle, dans le rythme, au calme. Quand tu dois rester sur le banc pendant je ne sais pas, dix, quinze ou vingt minutes à attendre qu’on appelle ton nom. Avec le bruit, les lumières, tu as soixante secondes et il faut y aller ! Personnellement, je cherchais à trouver mon rythme. J’ai eu de la chance, j’ai affronté de gros compétiteurs. Je l’ai fait cinq fois et j’étais nerveux à chaque fois. »