Le Botswanais de 20 ans a décroché l’argent (9″88) dimanche, derrière l’Américain Noah Lyles (9″83). Départagé au millième, le Britannique Zharnel Hughes complète le podium (9″88).
Quarante ans. Il aura fallu attendre quatre décennies pour que l’Afrique tienne son premier médaillé mondial sur la distance reine. Derrière l’Américain Noah Lyles, le Botswanais Letsile Tebogo a offert à son continent l’argent en finale du 100 mètres, dimanche 20 août, lors de la 19e édition des championnats du monde, à Budapest (Hongrie). En plus de marquer l’histoire, alors qu’il n’a encore que 20 ans, le double champion du monde junior (en 2021 et 2022) de la distance a battu le record national (9″88).
« C’était une anomalie qu’il n’y ait pas de sprinteurs africains médaillés aux Mondiaux, parce qu’il y a de très grands sprinteurs depuis longtemps en Afrique, réagit Stéphane Diagana, consultant athlétisme pour France Télévisions. Ils étaient plutôt originaires d’Afrique australe d’ailleurs, d’où vient Letsile Tebogo. On a de très bons sprinteurs comme Akani Simbine aussi, qui auraient pu l’être, tout comme le Nigérian Olusoji Fasuba, qui a détenu le record d’Afrique en 9″85. C’est vrai qu’on a eu de bons chronos, mais jamais d’Africains au rendez-vous le jour J sur le 100 mètres. »
Six coureurs africains engagés en demi-finales
Sur les bords du Danube, dimanche en début d’après-midi, ils étaient six à défendre les couleurs de l’Afrique en demi-finales. Si le Libérien Emmanuel Matadi (11e), les Nigérians Seye Ogunlewe (15e) et Usheoritse Itsekiri (19e), et le Sud-Africain Akani Simbine (auteur d’un faux départ) ne sont pas parvenus à se qualifier pour l’ultime tour, Letsile Tebogo était accompagné en finale du véloce Kényan Ferdinand Omanyala, détenteur du record d’Afrique (9 »77).
« L’Afrique n’a jamais été médaillée dans cette épreuve et c’est quelque chose que je veux changer. Donc je veux gagner une médaille, je veux gagner l’or », avait-il déclaré vendredi à la BBC. A l’inverse, du côté féminin, les Ivoiriennes Murielle Ahouré et Marie-Josée Ta Lou ont déjà apporté trois médailles mondiales à l’Afrique. Ta Lou pourrait en apporter une nouvelle, lundi, à Budapest.
Auteur de la deuxième meilleure performance mondiale de la saison, Ferdinand Omanyala s’est manqué en finale (7e) après s’y être qualifié de justesse. Mais avec sa régularité cette année, le champion du Commonwealth a placé son pays dans le gratin du sprint mondial. Surtout, la « Omanyala-mania » a gagné le Kenya et influencé les jeunes coureurs du pays. « Au fil des années, notre nation a acquis une popularité inégalée pour la production de champions du monde sur les épreuves de longue distance. Si l’on regarde ce qu’il s’est passé récemment au Kenya, il y a des forte chances que le pays se classe bientôt parmi les superpuissances mondiales dans les sprints », a prédit, en mars, dans le média local The Star, l’entraîneur national kényan Julius Kirwa.
L’Afrique rafle les médailles sur le sprint chez les juniors
Letsile Tebogo s’était d’ailleurs fait remarquer en 2021, dans la capitale kényane qui accueillait les championnats du monde juniors. Il avait alors décroché l’or sur le 100 mètres et l’argent sur le 200. Dans son sillage, les athlètes masculins du continent africain avaient mis la main sur sept des neuf médailles distribuées sur 100, 200 et 400 mètres. L’année suivante, à ces mêmes Mondiaux juniors à Cali (Colombie), ils en avaient empoché quatre. Preuve que la jeune génération a le potentiel pour faire de l’Afrique un continent qui compte dans le sprint masculin.
Si le talent et le potentiel sont là, « après, il faut trouver les conditions d’entraînement, l’encadrement technique aussi, qui parfois fait défaut », pointe Stéphane Diagana. Une réalité dont est bien conscient Ferdinand Omanyala. « J’espère qu’un jour, nous arriverons à un stade où nous aurons un camp d’entraînement où les sprinteurs pourront juste venir s’entraîner, et que les sponsors couvriront tous leurs besoins financiers », confiait le sprinteur au journaliste kényan Justin Lagat pour Runblogrun.
Dans un an à Paris, les rois africains de la ligne droite auront une nouvelle occasion de braquer la lumière sur leur discipline. Ils tenteront d’imiter le Nambibien Frankie Fredericks, vice-champion olympique du 100 mètres en 1992 et 1996 et unique médaillé africain aux Jeux olympiques.