Par Yassine Bouali
Le football algérien vit, une fois de plus, un mercato d’été où l’amateurisme semble régner en maître. Alors que les grandes nations du ballon rond peaufinent leurs stratégies de recrutement des mois à l’avance, avec des cellules d’analyse, des bases de données et des outils de performance avancés, en Algérie, on continue à « recruter au feeling », souvent sur la base d’un lien YouTube ou d’un appel d’agent.
Aucune cellule, aucun plan
La majorité des clubs de Ligue 1 Mobilis ne disposent toujours pas de cellule de recrutement digne de ce nom. Pas de scout, pas de data analyst, pas de veille structurée sur les joueurs locaux ou africains. La stratégie est quasiment inexistante. Ce sont souvent les entraîneurs – eux-mêmes instables et parfois nommés pour quelques semaines – qui font les choix, au gré de leur réseau ou de vidéos envoyées par des intermédiaires.
YouTube, nouvel outil de détection
Dans certains clubs, un simple lien YouTube suffit à convaincre une direction sportive d’engager un joueur. Pire encore, certains dirigeants visionnent des compilations sans se renseigner sur le contexte, le niveau du championnat concerné ou même l’âge réel du joueur. Résultat : on recrute des profils inadaptés, en méforme physique ou psychologiquement instables. L’échec est souvent au rendez-vous, mais il est ensuite maquillé par un nouveau pari, toujours aussi hasardeux.
Des agents omniprésents
À défaut de stratégie, ce sont les agents qui dictent leur loi. Certains clubs fonctionnent comme des vitrines temporaires pour placer des joueurs, avec pour seule logique : « on le fait signer, et on verra ». La stabilité de l’effectif, la cohérence sportive, la construction d’un projet à long terme ? Très peu y pensent. Le court-termisme est roi, et les entraîneurs doivent composer avec des joueurs qu’ils n’ont parfois jamais sollicités.
Le paradoxe du talent inexploité
Ce chaos est d’autant plus incompréhensible que l’Algérie regorge de jeunes talents locaux, notamment en divisions inférieures ou dans les académies privées. Mais ces jeunes sont peu observés, rarement accompagnés, et finissent souvent par abandonner ou partir à l’étranger dans des conditions précaires. Faute de structure, le pays passe à côté de ses propres pépites.
Un modèle à réinventer d’urgence
À l’heure où même des clubs africains comme Simba SC (Tanzanie) ou Horoya AC (Guinée) ont mis en place des cellules de scouting et de performance, l’Algérie continue de fonctionner de manière artisanale. Si le football national veut sortir de l’impasse, il doit professionnaliser son approche, créer des directions sportives compétentes, recruter des spécialistes du scouting et intégrer la data. Sans cela, chaque mercato restera un tirage au sort, où la réussite tiendra plus du miracle que de la méthode.

